Dopage : aide substantielle et réduction de la sanction

Scpa BERTRAND
28.12.16 19:34 Commentaire(s)
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Le Conseil d'État a eu à connaitre, à notre connaissance, de sa première affaire dans laquelle l'athlète demandait l'annulation de la sanction infligée par l'Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD) en raison de l'aide substantielle apportée. L'argument de l'athlète n'a cependant pas prospéré (CE, 23 décembre 2016, n°399728).

Contrôle antidopage urinaire positif

Licenciée de la Fédération Française de Kick boxing, Muay thaï et Disciplines Associées (FFKMDA), la requérante participe à une compétition de pancrace le 31 janvier 2015.

À l'issue des combats, elle fait l'objet d'un contrôle antidopage et est invitée à rester sur place afin de fournir un prélèvement urinaire supplémentaire. Elle quitte cependant les lieux de la compétition sans y être autorisée.

Les résultats des analyses effectuées sur les échantillons A prélevés à cette occasion font alors ressortir la présence de deux métabolites du stanozolol et d'un métabolite de la nandrolone, substances interdites et considérées comme substances non spécifiées en vertu de la liste élaborée en application de la convention internationale contre le dopage dans le sport.

Par une décision du 7 mai 2015, l'organe disciplinaire de première instance de lutte contre le dopage de la FFKMDA lui inflige la sanction d'interdiction de participer pendant six mois aux manifestations que la Fédération organise et annule les résultats individuels qu'elle a obtenus lors de la manifestation du 31 janvier 2015.

Le 10 septembre 2015, l'AFLD se saisit du dossier et, par une décision du 19 novembre 2015, prononce à l'encontre de la requérante une sanction d'interdiction de participer pendant quatre ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par les fédérations sportives françaises.

La requérante demande l'annulation ou, subsidiairement, la réformation de cette décision.

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Le caractère intentionnel et la soustraction au contrôle

Le Conseil d'État rappelle au préalable "qu'en dehors du cas où est apportée la preuve d'une prescription médicale à des fins thérapeutiques justifiées, l'existence d'une violation des dispositions relatives au dopage est établie par la présence, dans un prélèvement, de l'une des substances mentionnées dans la liste annexée au décret du 4 septembre 2014 portant publication de la liste 2014 des substances et méthodes interdites dans le sport sans qu'il y ait lieu de rechercher si l'usage de cette substance a revêtu un caractère intentionnel".

De plus, selon les juges, "le sportif qui tente de se soustraire aux contrôles est également passible de sanctions".

La sanction de l'athlète semble donc justifiée.

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La disproportion de la sanction

La requérante a également soutenu que la suspension pendant une durée de 4 ans était disproportionnée.

Cependant, pour la juridiction administrative, le fait que la requérante "n'a jamais été sanctionnée pour dopage auparavant et qu'elle a le statut de sportif amateur", ne saurait "remettre en cause les analyses de l'Agence".

Ainsi, et eu égard à la nature des substances en cause et au comportement de l'intéressée lors du contrôle, "la sanction d'interdiction de participer pendant quatre ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par les fédérations sportives françaises prononcée par l'Agence française de lutte contre le dopage n'est pas disproportionnée".

En conclusion

Définition de l'aide substantielle par le Code Mondiale Antidopage (version 2015)

"Aux fins de l’article  10.6.1, la personne qui fournit une aide substantielle doit : 1)  divulguer entièrement, dans une déclaration écrite signée, toutes les informations en sa possession en relation avec des violations des règles antidopage; et 2) collaborer pleinement à l’enquête et à l’examen de toute affaire liée à ces informations, par exemple en témoignant à une audience si une organisation antidopage ou une instance d’audition le lui demande. De plus, les informations fournies doivent être crédibles et représenter une partie importante de toute affaire poursuivie ou, si l’affaire n’est pas poursuivie, elles doivent avoir constitué un fondement suffisant sur lequel une affaire pourrait reposer".

Définition de l'aide substantielle dans le Code du sport (article L.230-4)

"Constitue une aide substantielle pour l'application de la section 4 du chapitre II du présent titre le fait pour une personne de :

1° Divulguer, dans une déclaration écrite signée, les informations en sa possession en relation avec des infractions aux règles relatives à la lutte contre le dopage ;

2° Et de coopérer à l'enquête et à l'examen de toute affaire liée à ces informations, notamment en témoignant à une audience.

Les informations fournies doivent être crédibles et permettre d'engager des poursuites ou, si aucune poursuite n'est engagée, constituer des indices graves et concordants sur le fondement desquels des poursuites auraient pu être engagées".

Le dernier argument de la requérante concernait l'aide substantielle qu'elle aurait apporté à l'AFLD.


Pour rappel, l'aide substantielle est ainsi définie par le Code Mondial Antidopage (CMA).


Cette aide substantielle permet l'élimination ou la réduction de la période de suspension (article 10.6 du CMA).


Ces dispositions sont reprises par le Code du sport (article L.230-4).


En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'athlète a, le jour de la séance du collège de l'AFLD, "déclaré par écrit qu'elle allait déposer plainte contre une personne se faisant appeler " Momo " qui lui avait vendu des produits dopants et a fourni un numéro de téléphone portable présenté comme étant celui de cette personne".


Cependant, l'AFLD a estimé, "compte tenu de leur nature et de leur imprécision", que ces informations ne constituaient pas une aide substantielle.


Le CE confirme cette position et considère donc que "l'AFLD n'a pas inexactement qualifié les faits" et "qu'elle a pu en déduire que les conditions posées par les dispositions précitées pour que la sanction infligée à l'intéressée puisse être assortie du sursis n'étaient pas réunies".


La demande de la requérante est donc rejetée.
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Scpa BERTRAND